mercredi, mai 09, 2007

MALFORMATION FOETALE : QUE FAIRE AU CHILI ?

Martine, Française de 36 ans, vit au Chili depuis 4 ans. L’année dernière, enceinte de 6 mois, elle a touché au plus près aux limites de la loi chilienne où toute forme d’avortement est interdite, même si le bébé, c'était son cas, présente une malformation terrible. Après un voyage éclair en France, aujourd’hui de nouveau enceinte, elle témoigne de sa révolte devant le mur de silence qui a entouré sa douloureuse histoire.
On ne verra pas en photo ses yeux bruns pétillants et son joli visage à la Audrey Tautou. Martine°, qui a passé la moitié de sa vie à changer de pays, n’est pourtant pas du genre timoré. Son histoire n'est connue ici que par quelques proches amis, français. On lui a conseillé de ne rien dire. Elle a très vite compris pourquoi, avec l'attitude résignée de certains amis chiliens, sur le mode "toute vie humaine est respectable". La version officielle de son voyage catastrophe en France en juillet dernier, est la tentative, ratée, d’une opération in-utéro à 6 mois. En réalité: un avortement thérapeutique organisé en une semaine à Paris, dans la panique d’un diagnostic pré-natal de Spina-bifida grave (colonne vertébrale ouverte, cerveau vide).


Martine est de nouveau enceinte, naissance prévue en août prochain, sereine mais révoltée. Entre-temps elle a changé de gynécologue. On comprend pourquoi. "J'avais tout à fait confiance en mon médecin, une femme d’à peu près mon âge, que l’on m’avait recommandée. Il se trouve qu’elle pratiquait aussi les échographies dans son cabinet. Tout roule, après trois ou quatre échos, jusqu’à qu’en naviguant sur des sites français de grossesse, je réalise que l’échographie des 6 mois est très importante. Je décide donc de m’adresser, exceptionnellement à un échographe extérieur. Et là, ça été le choc: Première image, il plaisante : le bébé a mon nez, pas celui de son papa présent à l’examen, tant mieux ! Deuxième image, il pousse un grand soupir et pâlit. Suit un moment de flottement -il croit que l’on sait déjà- puis comprend que l’on tombe des nues et enfin nous explique exactement la situation, ajoutant qu’au Chili, on va nous promettre, comme à tous les parents dans notre cas, une opération providentielle, alors que c'est un miracle qu'il faudrait. Sans en dire plus. Il organise même un rendez-vous avec l’équipe médicale, pour prévoir cette fameuse opération dès la naissance. Il fait son travail, quoi !" commente t-elle, en rendant hommage à l’honnêteté de ce médecin.

Pour ce qui est de sa gynécologue, elle ne saura jamais si c’est par incompétence ou convictions religieuses qu’elle ne lui a rien dit. Cette malformation étant visible, paraît-il, dès le 3ème mois de grossesse. Après coup, Martine l’a appelé pour vider son sac. En réponse, ce médecin accoucheur confirmé a… pleuré.
Aller-retour à Paris

Le même soir -on imagine dans quel état d’esprit- Martine et son mari tirent toutes les sonnettes d’alarme : d’abord des copains médecins au Chili, qui sans se dérober leur font valoir les risques médicaux et psychologiques de la clandestinité. Puis, le lendemain, à 7h du matin, elle contacte son ancien médecin en France, perdue de vue depuis 10 ans. Elle aussi fait son travail. Mais sous d’autres latitudes. Comme une évidence, elle organise tout avec l’Institut de Puériculture de Paris; Soulagement: "Le diagnostic a été fait le lundi à Providencia, le vendredi suivant, j’étais à Paris. Le temps de faire les démarches ; deux signatures de médecins sont nécessaires. L’accouchement a eu lieu le lundi suivant avec une équipe formidable qui ne fait que des accouchements problématiques", se souvient-elle.

Elle constatera que, non seulement la légalité permet une sécurité médicale, mais aide dans le processus de deuil. "C’est bien sûr un "bébé" et en cela, l’acte n’est pas fait à la sauvette. Elle (c'était une fille) a eu a droit à une sépulture, un nom, elle est d’ailleurs inscrite sur notre livret de famille. Et malgré mes réticences, la sage-femme m’a demandé d’apporter des vêtements pour l’habiller, m’a incitée à la voir. Cela s’est avéré très important pour la suite", commente Martine, émue mais pas submergée.

Un "détail", mais qui compte, aussi : Martine, couverte au Chili par une "ISAPRE" a réalisé qu’elle n’était pas du tout assurée sociale en France. Bilan : quatre jours d’hospitalisations à 1.250 euros chacun !

Malgré un mari chilien et un réseau professionnel passionnant à Santiago, cette histoire a un peu mis Martine en froid avec un Chili qu’elle trouve, pas seulement ultra-catholique, et elle cite le pieux Mexique aux lois pourtant plus souples, mais aussi trop conservateur dans les mentalités. Conséquence : elle reprendrait bien son baluchon avec conjoint et enfants -elle a un "grand" de 6 ans- pour le Brésil, où elle a déjà passé de nombreuses années. Elle ajoute : "Et dire que c’est dans l’un des rares pays au monde à être dirigé par une femme que l’avortement thérapeutique reste impossible !"

L’avortement au Chili est illégal quelles qu’en soient les raisons (inceste, viol..) En France, il est légal depuis 1975. Une interruption volontaire de grossesse (IVG) peut-être pratiquée jusqu’à la 12e semaine de gestation. En revanche il n’y a pas de délai légal pour l’avortement thérapeutique. Dans tous les cas, la loi encadre strictement cet acte, pris en charge par la sécurité sociale. Depuis l’introduction de la pilule abortive (à ne pas confondre avec la pilule du lendemain !), une IVG peut être pratiquée par un médecin de ville ( dans ce cas, avant 9 semaines de grossesse).