mercredi, décembre 13, 2006

L’OR DES ANDES SE PAIE TOUJOURS À PRIX D’EAU





Alors que le tyran était enterré hier, les multinationales continuent d’user des méthodes héritées de la dictature pour imposer toutes leurs conditions au pays. 

Santiago, correspondance particulière. 

augusto Pinochet a été enterré hier. En présence de sa veuve, de ses enfants, d’officiers supérieurs et de nostalgiques de la dictature, il a reçu les honneurs militaires. Mais le gouvernement socialiste de Michelle Bachelet lui a refusé de facto les funérailles et le deuil national de trois jours dus à un chef d’État. Si le procès tant attendu du dictateur n’aura donc jamais lieu, un collectif d’associations a organisé récemment un procès fictif, mais à haute valeur symbolique. 

Sur le banc des accusés, pas l’ombre d’un dictateur, mais plutôt l’une des conséquences de son action lorsqu’il était au pouvoir. Aujourd’hui encore, les multinationales ont les mains libres pour extraire les ressources minières du pays. «Procès public à l’encontre de Barrick Gold Corporation.» Des affiches fixées à l’aide de quelques bouts de scotch sur l’auditorium de la faculté d’architecture de l’université de Santiago, lors du second forum social chilien le mois dernier, mettent tout de suite dans l’ambiance. Le nom de l’entreprise d’extraction minière apparaît volontairement en lettres rouge sang. 


Si l’on retient surtout celui versé par les opposants politiques pendant la dictature, l’exploitation des mines au mépris total des populations locales et de l’environnement constitue aussi en soi une violation des droits de l’homme. « Ce tribunal populaire a pour objectif de mettre en lumière tous les aspects occultes des opérations menées par Barrick Gold au Chili, mais aussi au Pérou et en Argentine », a souligné Lucio Quenca, de l’Observatoire latino-américain des conflits liés à l’environnement (OLCA). Dernière polémique en date : le projet Pascua Lama, dont l’exploitation est prévue dès janvier 2007. L’or serait extrait au coeur de la vallée de l’Huasco, au nord du Chili. 


Une véritable oasis au sud de la région désertique d’Atacama, dont l’eau d’une rare pureté provient de glaciers andins et fait vivre des milliers d’agriculteurs. L’entreprise canadienne dans laquelle George Bush père aurait eu des participations nie que le projet présente un quelconque danger pour les glaciers. Pourtant, une enquête menée par la direction générale des eaux (DGA) du gouvernement chilien montre que les seuls travaux de sondage et de prospection ont déjà entraîné la destruction partielle d’un grand nombre d’entre eux. 


Ce qui n’a pas empêché ce même gouvernement de donner son aval au projet, malgré la mobilisation des agriculteurs locaux. Pour donner une idée précise de l’étendue des dégâts, le « procureur » argentin Javier Rodriguez Pardo a pu faire état des dommages causés par les implantations déjà existantes de Barrick Gold

Viennent ensuite les témoins chiliens. De l’économiste chevronné au petit agriculteur en passant par une soeur carmélite, plusieurs témoins ont dénoncé, preuves à l’appui, les dommages environnementaux, économiques, sociaux et éthiques provoqués par la multinationale. Pollution des eaux, conditions de travail extrêmement dangereuses, mensonges à répétition : le bilan est éloquent. 


Verdict : Barrick est jugé coupable pour tous les chefs d’accusation. Les organisateurs ont proposé d’organiser un nouveau procès fictif mettant cette fois en cause les dirigeants du pays, coupables, eux, d’avoir fermé les yeux et laissé perdurer les pratiques « industrielles » pinochétistes. Louis Génot